Forneret

Antoine Charles Ferdinand Xavier Forneret (1809-1884), surnommé « l'homme noir blanc de visage » est un écrivain et poète français. 

Forneret ? Un homme que nous avons rencontré dans les ténèbres et à qui nous avons baisé les mains." André Breton 

 

Selon, je crois, des dires, le ver luisant annonce par son apparition plus ou moins lumineuse, plus ou moins renouvelée, plus ou moins près de certain endroit, plus ou moins multipliée, car, toujours selon les dires, il se meut sous l'influence de ce qui doit advenir, le ver luisant présage ou une tempête sur mer, ou une révolution sur terre : alors il est sombre, se rallume et s'éteint ; puis un miracle : alors on le voit à peine ; puis un meurtre : il est rougeâtre ; puis de la neige : ses pattes deviennent noires ; du froid : il est d'un vif éclat sans cesse ; de la pluie : il change de place ; des fêtes publiques : il frémit dans l'herbe et s'épanche en innombrables petits jets de lumière ; de la grêle : il se remue par saccades ; du vent : il semble s'enfoncer en terre ; un beau ciel pour le lendemain : il est bleu ; une belle nuit : il étoile l'herbe à peu près comme pour les fêtes publiques, seulement il ne frémit pas. Pour une enfant qui naît, le ver est blanc ; enfin, à l'heure où s'accomplit une étrange destinée, le ver luisant est jaune. Je ne sais jusqu'à quel point ces dires doivent être crus ; mais voici : je raconte.

Par un soir où tout le souffle des anges volait sur la figure des hommes ; par un de ces soirs où l'on voudrait avoir mille poumons pour leur donner à tous cet air qui semble venir des jardins du ciel ; sous d'énormes et vieux arbres plantés dans des brins d'herbe, un pavillon étalait à la lune ses ailes oblongues et délabrées.    Lire la suite du texte.

 

Un pauvre honteux

Il l'a tirée
De sa poche percée
L'a mise sous ses yeux ;
Et l'a bien regardée
En disant : " Malheureux ! "

Il l'a soufflée
De sa bouche humectée ;
Il avait presque peur
D'une horrible pensée
Qui vint le prendre au coeur.

Il l'a mouillée
D'une larme gelée
Qui fondit par hasard ;
Sa chambre était trouée
Encor plus qu'un bazar.

Il l'a frottée,
Ne l'a pas réchauffée,
À peine il la sentait ;
Car, par le froid pincée
Elle se retirait.

Il l'a pesée
Comme on pèse une idée,
En l'appuyant sur l'air.
Puis il l'a mesurée
Avec du fil de fer.

Il l'a touchée
De sa lèvre ridée. -
D'un frénétique effroi
Elle s'est écriée :
Adieu, embrasse-moi !

Il l'a baissée
Et après l'a croisée
Sur l'horloge du corps,
Qui rendait, mal montée,
Des mats et lourds accords.

Il l'a palpée
D'une main décidée
À la faire mourir.
- Oui c'est une bouchée
Dont on peut se nourrir.

Il l'a pliée,
Il l'a cassée ;
Il l'a placée,
Il l'a coupée,
Il l'a lavée,
Il l'a portée,
Il l'a grillée,
Il l'a mangée.

- Quand il n'était pas grand, on lui avait dit :
- Si tu as faim, mange une de tes mains.

 

Bibliographie


Ecrits complets – Volume I (1834-1876) – Théâtre, poésie, musique
2013

Ecrits complets – Volume II (1836-1880) – Aphorismes, contes et récits, roman, vie quotidienne 2013
édition française
Les contes, le roman, les correspondances et les textes courts de l'écrivain romantique français, précurseur du mouvement surréaliste, rassemblés et accessibles pour la première fois. Les presses du réel